RESIDENCE AU BRESIL

Dans le cadre des aventures culturelles de « l’Autre idée »

Bon! Et bien voilà, c’est reparti! Me voilà à Rio de Janeiro pour la première fois de ma vie. Le long voyage s’est bien passé. Départ de Rennes après une soirée très sympa chez Nicolas Fily, en route vers Paris, puis Lisbonne et enfin Rio. J’ai passé quasi 24h dans les transports. Le lieu où je suis est très sympa, en plein centre, dans le quartier de Santa Teresa (merci Guga Murray pour l’adresse). Demain, je commence à me territorialiser.

Vendredi 20 septembre

J’ai bien dormi mais j’ai été réveillé par les avions qui passent au dessus de la maison toutes les 5 mn. J’avais juste l’impression qu’ils allaient défoncer la chambre, à part ça tout va bien. Petit déjeuner brésilien, mangues, bananes, café. La vue est superbe ici. De ma terrasse, je domine quelques quartiers de la ville. Il y a 4000 m2 de terrain et les oiseaux chantent. Plein de couleurs, la végétation luxuriante et je n’ai vraiment pas l’impression d’être au centre d’une mégapole.

Ce matin, petit tour du quartier. Je vais aller faire quelques courses pour mon autonomie alimentaire. Le quartier est très sympa, à part les avions. je surplombe la ville, il fait très chaud mais on s’adapte bien sûr.
Je déjeune avec Carlos Malta dans le quartier de Laranjeiras, je découvre le Capa de Filè, une préparation de boeuf avec du riz vert (mélangé à du brocolis) et des patates, c’est super bon. Nous sommes très contents de nous retrouver et nous passons un bon moment à discuter et faire le programme de travail, nous allons nous retrouver lundi pour travailler ensuite toute la semaine afin de jouer en concert en trio avec Bernado Aguiar, superbe joueur de pandeiro. Après une petite ballade dans le quartier avec  Carlos et je suis rentré en flânant jusqu’à Santa Teresa, deux heures de marche quand même!!! J’ai un peu les pieds en compote mais tout va bien. Apéro avec Eric qui est très bavard et super intéressant, une vision artistique de la vie. QUe dire de plus, La ville ici est très sympa, on se mixe plus qu’à São Paulo si je note bien. Les favelas sont omniprésents, que pourrais-je dire qui n’a pas déjà été dit. J’ai l’impression, étrange paradoxe, qu’ils sont mieux “intégrés” à la ville qu’à São Paulo. Difficile à exprimer ce genre de choses. La marche d’aujourd’hui m’a fait beaucoup de bien pour ressentir l’énergie du lieu. Je m’y sens bien.

Samedi 21 septembre

Réveil aéronautique, la douce musique des Airbus commence de bonne heure, tant mieux, je profiterai davantage de mes journées.

Petit déjeuner à base de mangues et de bananes et au travail, je vais d’abord faire un repérage de l’endroit où je suis. Incroyable lieu, la nature est d’une force! Je suis au milieu des palmiers et des bambous, des rapaces volent au dessus de moi et un multitude de chants d’oiseaux me font oublier que je suis en plein Rio.

Je fais quelques photos et reprend la flûte pour quelques heures de travail. La nuit tombe bien vite, je vais faire quelques courses dans le quartier. Tout est tranquille ici, alors que pas si loin, j’ai une vue incroyable sur la ville. Au loin, l’énorme stade du Maracana illumine le centre, il doit y avoir un match ce soir. Il y a du son partout, des fêtes, des répétitions, de temps en temps un pétarade. On pourrait croire que c’est un feu d’artifice mais on m’a expliqué qu’il s’agit de fusillades dans les favelas, soit entre la police (ou l’armée) et des gangs, soit entre les gangs. Cela pête souvent, plusieurs fois par jour. Je continue à travailler jusqu’à ce que la fatigue se rappelle à moi et au lit de bonne heure ce soir.

Dimanche 22 septembre

Aïe! Aïe! Aïe!! Quelle nuit, pas moyen de dormir, du boucan toute la nuit. En fait, il y avait un concert au Maracana qui me semblait bien loin. Pas tant finalement!

Bref, Du bruit et du son de partout toute la nuit! Je n’ai quasiment pas dormi et j’ai laissé mes bouchons d’oreilles à la maison. Bref, un peu vaseux ce matin.
Eric me propose un tour au marché du coin, j’accepte sans hésitation, cela va s’avérer être une riche idée. Sur la route nous parlons tranquillement, très vite nous allons passer devant la maison d’un sculpteur qui travaille sur des statues à base d’objets recyclés, très intéressant pour Mich Mao qui doit me succéder à Rio dans le cadre de la résidence de l’Autre Idée, Eric me dit que dans le quartier, il connaît beaucoup de sculpteurs dans le genre. Super! Nous continuons à cheminer, je découvre tranquillement le quartier de Santa Teresa, c’est très tranquille, ce qui me frappe ici, par rapport aux autres expériences de São Paulo, c’est l’ambiance tranquille qu’il y a entre les gens. On sent que les gens ici, vivent ensemble, les différentes communautés, ce n’est pas du tout le stress que j’ai pu ressentir à São Paulo. Bref la ballade continue, il y a un tournoi de foot qui attire du monde, des petites boutiques très sympas, très vite Eric me présente à un violoniste qui joue dans l’orchestre National du Brésil, il donne un concert de musique contemporaine cet après-midi, nous allons peut-être y aller. Puis c’est le marché, nous rencontrons dès notre arrivée Jérôme, un français sociologue, qui travaille ici depuis plu de 10 ans. Nous allons boire un  verre ensemble et discutons à bâtons rompus sur son travail. Après avoir travaillé, en tant qu’anthropologue, sur les cultes afro-brésiliens, il étudie en ce moment la “Réurbanisation” de Rio. Des quartiers historiques entiers vont être rasés, les populations déplacées à plus de 60 kms pour présenter une vitrine culturelle et patrimoniale plus sexy au tourisme mondial. Il est navré et m’explique énormément de choses, de lieux à visiter. Nous sommes d’accord sur les paradoxes des différents classements au patrimoine mondial immatériel que nous avons connu et suivi. La mise au musée de pratiques populaires contemporaines  risque de les figer là où elles évoluaient depuis toujours.
Puis ballade sur le marché, j’en profite pour faire quelques prises de sons, les fruits, légumes, épices, viandes et poissons débordent de partout! Les camelots arranguent les clients, je me régale. Je fais quelques courses, nous buvons un petit verre dans cette chaleureuse ambiance et nous demandons comment nous allons rentrer à la maison, Santa Teresa est sur une hauteur et nous avons bien descendu à pied, la remontée risque d’être difficile. Coup de chance, le voisin d’Eric quitte le marché en même temps que nous et nous remonte dans sa voiture, des fois la vie ce n’est pas si compliqué!
Déjeuner à base de poisson, riz, une sorte de mâche et une mamão au miel au dessert.
Petite ballade digestive, j’en profite pour faire quelques images avec la caméra confiée par Nicolas Fily et petite pause lecture. Comme par hasard:
« Au bout d’un temps dont la mesure m’échappe, à présent, à cause de de la brièveté apparente de son écoulement dans un processus de dilatation et de récurrence qui m’avait été insoupçonnable, je me rappelle ces gouttes tombant sur ma peau en coups d’épingles délicieux, comme si elles eussent été le premier avertissement inintelligible pour moi, à ce moment, de la rencontre. Rencontre banale, en quelque sorte, comme toutes le sont apparemment, dont le vrai sens ne se révélera que plus tard, dans le tissus de ses conséquences,… »

Alejo Carpentier

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Finalement Eric a disparu, qu’à cela ne tienne, j’ai du travail, je vais réviser toute la fin d’après midi. J’irai faire quelques petites courses à l’épicerie du quartier et ce soir au lit de bonne heure, j’ai du sommeil en retard et le travail démarre demain!!

Lundi 23 septembre

J’ai bien dormi, enfin!! Ce matin crachin breton qui augure d’une journée de travail comme il faut. J’arrive chez Carlos à 10h00 et après un petit café, nous nous mettons au travail. Cela va aller très vite, 4 morceaux d’échangés avant le déjeuner et 4 morceaux après !! Journée efficace et productive. Demain, on s’y recolle en après-midi chez Bernardo Aguiar qui va jouer le pandeiro avec nous jeudi soir.
retour à la maison, j’achète de quoi me faire un petit apéro à l’épicerie du coin et je rentre travailler chez Eric.

Mardi 24 septembre

J’ai récupéré des salvateurs bouchons d’oreilles chez Carlos. Yessss!!! Enfin, une vraie nuit. Tant mieux, hier il y avait un officie religieux à côté, les hauts parleurs saturaient des hurlements du prédicateur. c’était assez effrayant, quand on ne comprend pas la langue, on a l’impression d’entendre un mélange entre un match de boxe, un commissaire priseur et une vente de bestiaux, les ponctuations “Alleluyesques” ne laissaient pas de doute sur ce qui se passait, c’était super fort. J’ai mis les bouchons et ….miracle!! La paix et la tranquillité. Donc une bonne nuit. Ce matin, je travaille sur les morceaux que Carlos m’a donné hier.
Durant la matinée, Carlos, me renvoie un nouveau morceau, un casse croûte!! Le programme est vu, je passe 6 heures à travailler chez Eric.
Vers 16h30 départ pour la répétition chez Bernardo Aguiar le joueur de Pandeiro.
La répé va aller très vite, on va jouer comme des fous pendant 5h00.c’est incroyable! On fait le tour des thèmes mais on ne structure pas grand chose, on verra ça sur scène!! Trop drôle, heureusement que Bernardo (percussions obligent) enregistre, prend des notes et structure “un peu” l’affaire.


Je ne sais pas comment on va jouer mais l’improvisation et l’écoute priment! très jubilatoire. Là dessus, Carlos apporte de nouveau morceaux qu’il va falloir que j’apprenne demain matin, Woaw! Ce n’était pas à l’ordre du jour mais cela nourrit la matière de l’ensemble et c’est toujours bon à prendre. Donc, je prends! En outre, certaines tonalités ont changé! Qu’à cela ne tienne!
Retour chez Eric, je me fais une petite salade, un petit thé et demain, j’aurai un programme chargé.

Mercredi 25 septembre

Bonne nuit mais je me réveille super tôt tous les jours, A peu près 6h00. Du coup, à 8h00 j’attaque le travail. Donc, ce matin, révision de la répétition d’hier et apprentissage des nouveaux morceaux, notamment un super frevo. Je ne chôme pas mais je ne sors pas beaucoup non plus Cette résidence est très studieuse! Le taxi était censé venir me prendre à 14h45 mais, ils font du surbooking aussi et, je viens d’apprendre qu’il n’y a pas de taxi dispo en ce moment. Je vais donc attendre! Finalement, il arrive, je me rends chez Carlos et nous allons travailler jusqu’à 21h00, Frevo et encore frevo, je rame un peu, j’espère que cela se passera bien demain.
Nous allons aussi confronter les modalités divergentes du Nordeste et du pays Vannetais. Carlos est en ébullition permanente, il propose un duo de flûtes pour ouvrir le concert avec 2 grandes flûtes des indiens Japurutu d’Amazonie. Superbe!

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Carlos est très enthousiaste et cela irradie chez lui, me voilà chargé d’énergie.

Retour à Santa Teresa, il fait nuit noire, Eric est dans son atelier et travaille sur des formes en métal qui seront supports à des éclairages via des bougies, il a envie de parler, nous papotons un peu et je rentre de bonne heure me coucher, demain c’est le premier concert!

Jeudi 26 septembre

Levé à 7h00, après le petit déjeuner, exercices de flûtes dans le jardin, travail, travail, je vais aller faire quelques courses à l’épicerie du coin et je me lance dans la world gastronomie, aujourd’hui crêpes de manioc avec tomates/oignons et jambons. Pas mal! Je vais affiner cette piste culinaire dans les prochains jours. Je retourne en haut de la colline et reprends la flûte pour quelques révisions nécessaires. L’énergie en haut est incroyable, tout est calme et paisible, je suis en dessous du Corcovado et je joue dans un calme merveilleux.


Le taxi arrive à 15h30 et nous partons vers le Centro Municipal de Referencia de Musica Carioca Artur Da Tavola (ici on dit CMRMCADT c’est beaucoup plus simple!!).


Bon, on arrive, heureusement que Carlos a eu le nez creux et qu’il a demandé à son ingé son de venir car l’équipe ici prend son temps, prend son temps,… Nous allons faire une balance qui prendra plus de temps pour trouver des pieds de micros que pour faire du son, mais bon,…

Tout va bien se passer. Le concert arrive et la magie opère immédiatement! On s’écoute, on partage, savoir faire/humilité, générosité, … Standing ovation à la fin, Comme souvent, le concert passera trop vite mais le plaisir est là, simple, essentiel, de l’écoute et du partage… Le public à la fin du concert vient nous voir, tout le monde est enchanté! Génial.
J’ai un peu de mal à recevoir tous ces regards admiratifs, c’est beaucoup pour moi, je sais qu’ils ne me sont destinés, ni même au trio que nous sommes mais à quelque chose de plus important que nous avons fabriqué ensemble, musiciens, techniciens, public et qui nous réunit en ce moment magique.
Il y a là, plein de jeunes joueurs de Pifanos, Carlos par son charisme, son talent, sa générosité, son sens du partage a fait plein de petits flûtistes!
Nous finirons la soirée avec Carlos et Lucianna dans le petit resto de Larangeiras à manger de la pieuvre avec du riz au brocolis. Soirée très sympa.

Vendredi 27 septembre

Le début de semaine était plus calme en terme de trafic aérien mais là, c’est reparti. Du coup, petite nuit. Je prends mon petit déjeuner avec Eric qui continue à m’expliquer des choses sur le Brésil, la corruption, les indiens, l’écologie,… Le monde va vraiment très mal. Les instants de lumière que me donne la musique sont à relativiser avec la triste réalité de ce que l’humanité a fait de cette planète. Vouloir,  toujours plus, cela n’aura de fin qu’avec l’extinction de l’espèce à venir.
Ne pas raisonner, consommer comme des fous, ne pas partager,…
Une petite voix intérieure me dit ramène au nom de Gilles Deleuze, je profite d’avoir une bonne connexion internet pour aller fouiller un eu sur internet. et là
Le puzzle s’organise, pourquoi je passe tant d’heures à souffler dans mon bout de bois, les réactions du public d’hier soir.
Deleuze “un des motifs de l’art et de la pensée, c’est une certaine honte d’être un homme,….l’art consiste à libérer la vie que l’homme a emprisonné,… l’artiste, c’est celui qui libère une vie, une vie puissante, une vie plus que personnelle, pas sa vie.., …il n’y a pas d’art de la mort…”
Avec ces 8mn de pensées, je vais pouvoir m’occuper pour l’après-midi,…au moins.

Bref, je remonte en haut de la colline travailler. Je joue, je joue, soudain des détonations en bas, ça canarde sévère dans le quartier. J’essaierai d’avoir une explication avec Eric sur ce que j’ai entendu, qui a bien duré 20 longues minutes. Retour à la chambre, petite sieste nécessaire et à 18h30 en route vers Triboz.

C’est un club de jazz qui appartient à un trompettiste australien. Le lieu est tout petit mais très beau. L’atmosphère y est douce.

Les musiciens arrivent tranquillement, 3 sets ce soir, principalement du quartet de Carlos puis quelques morceaux avec Bernardo et moi.

Cette soirée sera merveilleuse, une de plus, Carlos fabrique les arrangements et les prises de parole en direct. L’écoute du public et entre les musiciens est énorme. Chaque prise de parole est juste.La musique est belle, vivante, fragile et forte en même temps,… superbe moment.

Le public est ravi, je me fais plein d’amis, Carlos est aux Anges, il laisse la place aux musiciens et ils la prennent avec respect et pertinence, on improvise sans frime, juste le moment, être présent dans le moment.

Le patron du lieu, Mike Ryan, est fou-passionné de musiques, il va passer sa soirée derrière la table de mixage et ne ratera rien du concert, il est tout excité car il a préparé depuis un an et demi, toutes les choses pour diffuser les concerts en direct. Demain, théoriquement, notre concert sera le premier à être diffusé. Pour les noctambules

Car il y 5heures de décalage entre ici et la France, donc il sera approximativement 3h du matin quand le concert sera diffusé.

Retour chez Eric, Amaro m’a envoyé un lien vers le festival “Tocando Pifanos” où nous étions présents avec Serendou. Que de beaux et doux souvenirs.

Samedi 28 septembre

Relâche aujourd’hui, grasse matinée et au travail après le petit déjeuner. Je vais continuer à travailler les morceaux, continuer à écouter Deleuze et dormir un peu. Ce soir, le concert est mondialement diffusé! Cuidado/Diwall!
Quelques soucis (habituels maintenant) de taxis mais nous arrivons au Triboz, la petite salle sera pleine ce soir. Le concert se reproduit de mieux en mieux pareil comme dit Pierre. La base est posée mais la musique se construit sur scène. Alors, on s’écoute. Carlos te regarde, tu dois jouer, tout de suite, là maintenant… Cliff ( le pianiste) joue monstrueusement et le son est plus gros qu’hier ce soir! Tout le monde est gonflé à bloc,… woaw! ça joue!! Bref, je suis aux anges. La soirée est superbe et tout le monde souhaite renouveler l’expérience. Super cadeau pour moi.

Dimanche 29 septembre

Petite nuit, j’ai convenu avec Eric que je serai content d’aller au marché à Gloria avec lui ce matin, du coup, réveillé de bonne heure. En fait, il sera prêt vers 11h00, imprévisible comme il faut l’ami Eric. Nous allons au marché tranquillement, faisons le tour des étals. J’adore cette ambiance où les sons, les odeurs, les couleurs se mélangent. Un long apéro avec Jérôme, rencontré l’autre dimanche, nous parlons de plein de choses et je n’ai qu’une envie, c’est de revenir approfondir toutes les  petites perceptions de ci et de ça que j’ai glâné depuis mon arrivée.
Retour à la maison, petit poisson-brocolis-mâche et un peu de travail avant de retrouver Carlos qui m’invite à Copacabana. Pendant l’après-midi, j’entends que cela pétarade sévère dans la ville. en fait, ces coups de feu sont un état permanent, comme les sons des oiseaux, des voitures, les paroles des passants, les chiens qui aboient,… cela fait partie du paysage sonore, étonnant, inquiétant,…logique dans un pays qui n’a jamais su partager les richesses,…bref, des questions, encore et encore…je ne sais pas si Deleuze m’aidera sur celles-ci.
Je reprends la route de Gloria, prends le temps de m’imprégner du quartier, c’est vraiment étonnant, je me retrouve un peu dans les mêmes ambiances que Barcelone, il fait chaud, …mais il n’y a personne dans les rues. La peur de la délinquance peut-être. Santa Tereza s’avère être désert dès que la nuit tombe, je pense que c’est cela aussi qui effraie les chauffeurs de taxi.
Bon, bref, marche jusqu’à Gloria, j’attrape le métro et à la station Siqueira Campos, je descends. Je retrouve Carlos et Lucianna et nous partons marcher sur la promenade de Copacabana, vision incroyable! Cannes (ou l’idée que je m’en fais) puissance 1000. Des vagues immense qui viennent lécher un boulevard, le tout encaissé dans les montagnes, il y a là des joggeurs, des anciens qui marchent, des compétitions de châteaux de sable, des bimbos sculptées au scalpel! Des skateurs, …j’en prends plein la vue. Le décalage entre ce que je suis et là où je suis est total. Nous allons nous balader, croiser des gens qui étaient au concert de jeudi dernier (rencontre improbable), puis nous poser dans un bar à poissons géants (les poissons, homards, crevettes,.. tout est toujours plus gros de ce côté ci!). Puis, une petite pause dans une rue anodine pour arriver à Bip Bip (on dit Bipi Bipi).

Lieu sanctuaire de la samba à Rio, il y a une roda (une sorte de boeuf plus codifié), le lieu est superbe, tout petit bar, le public est dans la rue, les musiciens autour d’une table, tu vas te servir dans le bar et tu reviens dans la rue pour dire au patron ce que tu as consommé!!!! Le séjour commence à tourner au conte de fées, me voilà à Copacabana dans un lieu archi roots avec Carlos Malta super heureux de me montrer celà!! Il vibre sincèrement dans ce lieu simple, authentique, profond, ça groove terrip’, autour d’un répertoire commun énorme, l’imprégnation encore et toujours, l’art de faire swinguer quelque chose de très simple n’est pas donné à tout un chacun et ce soir, ici, il y a tout. Régal total. Lucianna décide de m’initier à la Cachassa, je dois faire attention à mon régime!! J’en trouve sans Gluten, génial!! Le soirée s’articule au mieux!!
On continue la ballade dans un petit resto et retour à la maison. Je me pose, essaie de digérer toutes les informations que je reçois, et me dis qu’il va falloir que je précise un peu les choses dans mon travail avec ces connexions faîtes ici.

Lundi 30 septembre

Grasse matinée, je suis un peu en relâche de la tension de la première semaine, j’ai reçu beaucoup d’informations et cela nécessite un peu de temps pour être digéré. Ce matin, je vais un peu traîner, un peu de lessive, une petite discussion Skype avec Yacouba à Niamey qui sort d’un méchant paludisme (très très mauvaise nouvelle), puis je file à l’Alliance Française rencontrer les responsables.
Je descends à Gloria à pied et j’observe enfin un peu le quartier de Santa Tereza, c’est un curieux quartier. Les routes sont sinueuses et serpentent joyeusement. Les routes sont en mauvais état, mélange de pavés, de nids de poules, avec la ligne de l’ancien tramway qui rajoute encore des irrégularités au bitume. effectivement nous sommes bien loin de Copacabana et Laranjeiras. Les maisons sont très belles, par moment, je me vois à Olinda avec ces vieilles maisons en style colonial portugais. Quelques immeubles genre années 60/70 arrivent ça et là mais l’ensemble est plutôt constitué de ces vieilles maisons et de favelas, superposition anarchique de petites maisons les unes sur les autres avec bien peu d’angles droits. Par çi par là, un petit escalier menant au favelas, des petites venelles labyrinthiques où il me semble bien facile de se perdre. Personne dans les rues sauf aux arrêts de bus, très peu de voitures, beaucoup de taxis jaunes.
J’arrive au métro, je prends mon ticket, le métro est bien calme, loin du bordel puant que l’on trouve à Paris par exemple. Les noms de stations sont merveilleux (Flamengo, Botafogo, Ipanema, Catete…). Je trouve l’Alliance Française et discute avec 2 personnes charmantes. Puis je file chez Carlos, il est fatigué, tout comme moi, nous nous refaisons le film de la semaine passée et toutes les informations que nous avons pu ingérer l’un comme l’autre et la difficulté à les digérer car nous avons frénétiquement tout enchaîné. Donc, nous sommes d’accord, ce soir, pas de sortie. Nous prévenons Bernardo que nous allons rester tranquilles. Petit dîner dans le petit resto au bas de chez Carlos, petite discussion sur les flûtes et retour à Santa Tereza et dodo. Le taxi me ramène dans les rues sinueuses de Santa Tereza, il roule à fond, comme les autres d’ailleurs, dans un virage, nous passons à 5 cm d’un autobus qui roule à fond lui aussi, Woaw….oufffff!!

Mardi 1er octobre

Je me suis couché assez tôt mais le téléphone a sonné à 5h30 du matin (10h30 en France). Du coup, difficille de retrouver le sommeil ensuite. Bref, journée étrange, j’ai été vaseux ce matin mais j’ai quand meêm réussi à travailler un peu. Je suis remonté en haut de la crête et au travail. Je révise, fais un peu de technique et décide d’essayer de composer un peu, les idées arrivent, il faut que je garde le rythme aujourd’hui. Mon petit doigt me dit que je n’aurai pas de nouvelles de Carlos.
Je continue à écouter Deleuze
On ne voyage pas pour le plaisir, on voyage pour vérifier quelque chose, un rêve ». Samuel BECKETT

Le cheminement continue tranquille, j’aurai une petite discussion Skype avec Vitor puis Nicolas Fily, on fait un petit point sur l’aventure et je me remets au travail J’irai faire un petit saut à l’épicerie acheter quelques bricoles et retour à la maison, ce soir, je me décide à écrire quelques partitions. Eric me retrouve, nous allons acheter à boire en bas, dans une petite boutique du favelas qui est juste en face de chez Eric et restons papoter sur la vie, ce que l’on fait de notre temps de vie sur terre. Il décide d’appeler Charles, un ami à lui, travailleur social dans un autre favela un peu plus loin. rendez-vous est pris de bonne heure demain matin, je file dormir.

Mercredi 2 octobre

Levé de bonne heure, petit déjeuner et on prend le bus direction le favela. En attendant le bus, je regarde le chemin que nous avons pris cette nuit, il y a 3 policiers lourdement armés en bas de l’escalier. Erci m’explique un peu le voisinage, il y a une énorme bâtisse à côté de chez Eric, je lui demande ce que c’est il me répond que c’est une fondation, une fondation de quoi? D’éducation, quelque chose comme ça… Comme quoi? Il éclate de rire, je ne sais pas de blanchiment d’argent sale, il y en a plein dans le quartier……
Le bus est un poême, l’autre jour, je le voyais de l’extérieur, aujourd’hui, je suis dedans, effectivement ça fonce dans les petites rues irrégulières, l’option supplémentaire c’est que le chauffeur encaisse et rend la monnaie tout en conduisant. Forcément, il ne peut pas regarder la route en permanence. Et hop! évité de justesse la BMW, Coup de volant+coup de frein+ Jean-Luc debout= quasi gamelle au milieu du bus. Nous retrouvons Charles, sympathique trentenaire originaire de Pernambouco. La majorité des habitants des Favelas viennent du Nordeste, partie très difficille du pays, très pauvres et à l’immigration massive vers les grandes villes (notamment Rio et São Paulo). Arrivés là, ils s’entassent dans les favelas et sont rejetés par les populations locales. Une sorte de FN est en train de se développer ici aussi avec pour cible principale ces populations qui n’ont rien mais qui cristallisent la colère populiste. Comme quoi! La même bêtise peut se décliner partout avec l’accent local.
Nous descendons du bus et nous allons prendre un charmant chemin au milieu des pierres et des arbres.

Passé le haut de la butte, le paysage change, voitures de polices, aljécos de policiers. Et un peu plus loin, le début de la favela.

Nous sommes à peine arrivés qu’il sa fait solliciter par un type qui doit fabriquer une salle d’informatique, Charles est en chrage de beaucoup de choses et il nous propose d’aller boire un café le temps qu’il termine. Nous entrons dans la petite venelle, grimpons des marches abruptes et arrivons dans une petite épicerie, dépôt de pain, gaz, … Le temps de boire un café avec Eric et Junho (l’assistant de Charles) j’observe le décor, les maisons sont fabriqués les unes sur les autres. Des éboueurs descendent en transpirant de grosses gouttes des gros sacs d’ordures qui viennent de plus haut. L’ensemble est construit à flanc de montagne, sorte de village africain dans les Alpujaras d’Andalousie, construit à la verticale, une habitation sur l’autre.


Charles revient, nous allons commencer la visite, nous montons sous la pluie les marches irrégulières en béton. Le labyrinthe est incroyable, les habitations les une sur les autres, voire en sous-sol, troglodytes urbains modernes. Au bout d’un moment, nous sommes sur une terrasse, Charles nous explique qu’lls sont en train de terminer un projet autour d’un jardin collectif à base de compost et de récupération d’eau de pluie.

Pour la récupération, tout le monde est équipé, je vois des réserves d’eau sur tous les toits, c’est avec cela que l’on se lave et que l’on prépare la cuisine.


Un paysagiste doit arriver de France dans 10 jours, l’opération financée par Total (hé! hé) est dans son ultime étape de réalisation.
L’électricité est pas mal aussi, les fils se mélangent dans une pelote mal déroulée mais ça marche. Tout cela pour regarder les pires choses à la télé mais ça c’est une autre histoire. Nous allons être chassé du lieu par une averse et allons boire un verre d’eau chez une riveraine. elle nous accueille avec un beau sourire et nous sert de l’eau dans son espace cuisine en plein air, recouvert d’une belle toiture en Fibrociment, ce doit bien dégager l’amiante quand le soleil cogne. Bref, je présente à Charles le projet de l’Autre Idée, l’idée de faire venir le sculpteur Mich Mao dans ce lieu pour y travailler, il m’écoute très attentif et me dit qu’il a besoin d’un peu de temps pour réfléchir. Il travaille depuis 1é ans dans les services sociaux, pour un salaire qui n’arrive pas toujours et semble un peu fatigué, d’un autre côté, il me dit qu’il fait de la coordination sur d’autres Favelas et que tout est imaginable, affaire à suivre donc.
Nous redescendons le méandre de marche, de béton, de brique rouge, de tôles, sous une pluie battante . Quand il pleut beaucoup, l’eau qui dévale le sol attaque tout et,  certaines maisons sans fondations, s’effondrent, il y a des glissements de terrain, du coup des blessés et des morts.
Après un petit Yakitory maison, je retourne travailler, Carlos me laisse un message, il souhaite répéter vers 16h00. Mad Tre, je me prépare. Nous allons bien travailler, les détails maintenant, après des concerts tenant sur l’énergie et la générosité, il faut maintenant mettre un peu de conscience et travailler les détails pour approfondir l’ensemble. Nous allons jouer, discuter, prendre du temps pour ne rien négliger. Vers 20h00 nous nous séparons et je vais dîner chez Jérome Souty, sociologue et docteur en anthropologie sociale, jeune homme  qui a déjà rédigé 2 livres (au moins). Nous parlons à bâtons rompus sur Rio, son parcours au Brésil, sa femme rentre, elle fait partir du coletivo Liquia Açao qui fait des spectacles de rues autour (au coeur) de l’élément eau. La soirée passe trop vite, me voilà de retour à la maison et j’aurais tant voulu avoir encore davantage d’informations sur leurs activités et leur vie ici. Bon, nous nous promettons de nous revoir quand je serai de passage à Rio, cela veut dire qu’il va me falloir revenir travailler ici.

Jeudi 3 octobre

Ce matin, ballade dans le quartier, je décide me m’arrêter un peu à Largo de Guimarahes, qui est un petit coin commerçant avec ses vieilles bâtisses, je descends les rues pavées et flâne tranquillement dans ce bien joli quartier de Santa Tereza.

L’ambiance est douce, peu de voitures, des bus et quelques taxis. En fait, le tramway est hors service depuis quelques années à cause d’un accident mais il y a le projet de le remettre sur les rails d’ici quelques temps. J’ai un peu l’impression d’être à Montmartre, loin du bruit de la ville et des boulevards. En plus rustique bien sûr. J’ai appris hier que le quartier changeait et qu’il devenait le repère des bobos de Rio, du coup le prix des logements augmente. La ballade révèle la routine brésilienne, maison de luxe et condominios cotoient favelas et maisons en bric brac. La nature, toujours forte est omniprésente. La remontée sera plus difficile, les côtes sont raides. Je suis un peu les informations et hier une manifestation d’enseignants du primaire public a été violemment réprimée par les forces de l’ordre. Le public ici, c’est pour les pauvres, les enfants de riches vont dans le privé. Les conditions de travail des enseignants du public sont très difficiles et ils protestaient contre une réforme de la mairie n’arrangeant pas la situation. Résultat, ils se sont fait taper dessus sans ménagement par des flics illettrés (revanche?). A Brasilia, les Indiens du Brésil essaient de se faire entendre et tentent de bloquer le parlement, … le monde continue son chemin, toujours loin de l’échange, du partage et de l’idée que cette planète est la notre, à tous et qu’il faut s’en occuper, il est déjà sûrement trop tard mais la nature, saura reprendre le territoire, une fois l’humanité disparue. La course au pouvoir et aux profits qui ne profitent qu’à une minorité ne peut que nous mener tous dans le mur.


Je rentre à la maison, me refait des galettes de manioc tomates/jambon, un petit coup de Skype avec L’Armor et Carlos m’envoie un message me demandant si je souhaite passer à sa répétition. J’accepte. Je vais ramer pour attrapper un taxi, les résidents de Santa Tereza sont-ils pestiférés? Ou alors, j’ai vraiment une sale tronche! Je réussis à en arrêter un, je lui dis d’attendre 30 secondes que j’attrape ma caisse de flûtes, le temps de revenir, il était parti!!! &é”@’(é§è”é(‘&!!!
Bon, finalement, je trouve le taxi et j’arrive chez Carlos, il y a là le batteur Di Steffano, Augusto le contrebassiste, et un jeune guitariste. Aux premiers sons, ça sonne terrible, le guitariste met de très belles couleurs.

Le répertoire tourne autour de classiques revisités de la musique brésilienne, c’est très poétique. Carlos me sollicite et je joue 3 morceaux avec eux, vendu! Tout le monde est content, je partirai pour la journée avec eux samedi à un festival de jazz à Sana. Les musiciens s’en vont, nous allons papoter un peu, jouer un peu et aller très vite nous balader sur le muret de Urca.

Le lieu est très drôle, nous allons chercher à boire et à manger dans une petite cantine et sans payer, nous traversons la route et nous posons sur un muret face au petit port et discutons, là ou d’autres font la même chose. Carlos me dit que nous avons de la chance, il fait gris et il n’y a pas pas trop de monde. Par temps clair, le muret est plein de gens qui font comme nous. Carlos connait bien le quartier, il y a quelques années, tu venais là tranquille, tu buvais quelques verres et tu faisais l’amour dans la voiture tranquille. Un jour quelqu’un a raconté ça et une pleine page est parue dans un grand quotidien local, résultat, le jour même 500 personnes déboulent dans le quartier pour voir si c’est vrai et possible. Depuis, c’est devenu un lieu très fréquenté!!!
Nous devisons passionnément sur la vie, le système brésilien, les flûtes,… Carlos me dit de venir m’installer ici…
Retour à Laranjeiras et Santa Tereza, je retrouve Eric couvert de poussière de bois, il a travaillé toute la journée et a taillé des carrelets de bois dans son petit atelier, il en a partout!!!

Vendredi 4 octobre

Ce matin orage, ça cogne dur. La pluie qui tombe est impressionnante, je n’y vois pas 5 mètres, une sorte de rideau gris me barre la route. Je vais me retrouver dans ma piaule et travailler. A la pause déjeuner, j’entends un crissement de pneus dans la rue. L’humidité et la pluie rendent glissantes les rails du tramway dans la rue. Ils roulent toujours aussi vite mais en plus, ça glisse aujourd’hui!!!
Nous allons nous faire une petite répétition chez Bernardo, Carlos vient me chercher et nous filons à Flamengo. Tout va bien, nous sommes d’accord qu’après la première rencontre les choses ont muri.. Nous avons hâte au concert de dimanche. Retour à Laranjeiras, je dors chez Carlos ce soir car nous partons de bonne heure demain matin à Sana, à quelques heures de Rio, pour un festival. Nous retournons chez Seraphin, le petit resto près de chez Carlos et buvons quelques verres en devisant joyeusement en attendant que Lucianna nous retrouve.

Soirée très sympa, à parler de la situation au Brésil, il y a une blague ici qui dit “nous avons un climat merveilleux, une nature merveilleuse, une nourriture incroyable,…alors Dieu nous a donné les politiciens brésiliens”
Retour chez Carlos, nous allons regarder un documentaire réalisé au Burkina Faso par Carlinhos Antunes, un musicien de São Paulo. Très beau film et dodo.

Samedi 5 octobre

Bonne nuit, nous allons prendre le petit déjeuner au marché en bas de l’immeuble, galette de tapioca et coco, superbe. Puis les musiciens nous retrouvent et un fourgon nous attend. En route vers Sana.


Nous mettrons du temps à quitter la ville à cause du trafic du week-end. La paysage est impressionnant, des hautes montagnes et de luxuriantes forets. Les routes sont un peu cabossées, notamment quand tu quittes les grands axes, là, c’est plus de la piste que de la route!!
Petite pause déjeuner à Casimiro de Abreu, je me fais une belle ventrée de sushis et nous voilà repartis. Nous arrivons à Sana, et là !!! WOaw!! La classe! Le paysage est magnifique, les routes sinueuses serpentent dans la montagne, la végétation est splendide, des bambous immenses, des bananiers, des palmiers, de temps en temps un cours d’eau, j’étais content de ma ballade le long du Léguer cet été, ici j’en prends plein la vue!

C’est ça l’Eldorado. C’est le calme qui règne, seuls les oiseaux et les rivières se font entendre. Quel classe, quelle paix!


Une petite sieste dans le hamac et une belle discussion avec Carlos, nous échangeons sur nos expériences de vie j’entends une belle citation de sagesse orientale, l’humain doit être comme le bambou, force et souplesse. Il m’ parle d’un très beau film selon lui Dirzu Uzala (de Kurozawa) à découvrir, également d’un autre film, Brésilien cette fois,  blanc et noir “Vidas secas”
Nous allons passer 2 heures tranquilles là à observer les oiseaux et les singes qui viennent nous rendre visite.
Puis en route vers le village, c’est un village touristique avec boutiques d’artisans et tout et tout.

La balance se passera bien, dans une ambiance décontractée, un petit tour à la Pousada pour se préparer un peu.
Le concert sera superbe, une belle façon de penser la musique!! Une fois de plus, …le micro de Carlos ne marchait pas sur le premier morceau, qu’à cela ne tienne, il part jouer dans le public, la classe!! Il fait ce qu’il veut et essaie de faire feu de tout évènement imprévu. le public est aux anges. Le concert se passe super bien. Le directeur du festival est en transe, il veut que l’on reste passer la nuit, nous lui expliquons que nous jouons tôt demain matin et qu’il nous faut rentrer. Soit, mais pas avant d’aller à la crêperie du village déguster les meilleurs crêpes de l’Etat!! Pas le choix! Du coup, nous allons rentrer à 4h00 du matin et on se lève à 7h30 demain matin.

Dimanche 6 octobre

Woaw! Dur dur ce matin!! Pas assez dormi, je me prépare et Bernardo arrive à 8h20. Nous filons attraper Carlos et arrivons au Centre Culturel Midrash de bonne heure. Ce n’est pas la panacée au niveau matériel mais la salle est petite et nous allons faire le choix de jouer acoustique.

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La salle sera pleine, l’écoute superbe et nous allons nous lâcher (c’est le dernier concert ensemble). Bref, super! Le public nous refait une standing ovation, 2 rappels,…
Nous sommes super émus et super contents, tout le monde a bien joué, c’est super.
Nous allons chez Bernardo déposer les affaires et partons manger à la Botequim Dos Amigos (La maison des amis)

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repas copieux et belle marche ensuite sur le front de mer de Flamengo, Bernardo et Aline (sa compagne) m’expliquent plein de choses sur la ville. Il y a un gros boulevard fermé le dimanche pour laisser la place aux badauds et autres skateurs, c’est un lieu très populaire toutes les classes sociales ont l’air de se retrouver dans ce quartier, c’est plutôt chouette.

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Un petit jus de fruits (jus du fruit de la passion) dans la belle rue de Catete et retour à Santa Tereza pour souffler un peu, je suis cuit!!

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Je me pose à l’hébergement et vais un peu sur le net, prendre des nouvelles du monde, j’en profite pour aller voir des vidéos sur L’Amarula ou Marula, les amis m’en ont parlé, il s’agit d’un fruit que l’on trouve en Afrique et qui déploie (une fois ingéré) une dose d’alcool incroyable. Les animaux de la savane en sont friands et il a des vidéos sur Youtube où l’on voit des girafes, des autruches, des éléphants tituber, c’est trop drôle, cela m’a bien fait rire. A côté, ça continue à canarder ce soir!

Lundi 7 octobre

Bonne nuit, je profite des derniers instants à Santa Tereza, je surplombe la ville, la vue est vraiment incroyable,  un grand merci à Guga pour ce tuyau, je pense qu’il a sérieusement contribué à mon bien être ici.

Je fais une petite lessive et commence les préparatifs du départ, un petit rendez-vous Skype avec Guga pour  organiser le voyage de demain et Carlos me convie à un dernier Capa de Filè à Laranjeiras, je me prépare et file là-bas. Nous allons manger ensemble et aller tranquillement en bus vers Flamengo. Bernardo nous attend mais l’ingénieur du son est bloqué dans les embouteillages, il y a encore une grosse manifestation ce soir à Rio, comme dans tout le pays. Finalement, il arrivera vers 18h00, il nous faudra être efficaces. 5 morceaux en 2heures!! Pas mal, Carlos est enthousiaste, les prises s’enchaînent; nous aurons de quoi faire une démo. Petit resto tranquille avec toute l’équipe, l’ambiance est bonne. Retour à Santa Tereza, nous nous disons à bientôt avec Carlos, il sera à São Paulo, le 18, la veille de mon départ, nous tâcherons de nous retrouver. Je rentre, j’avais laissé une lessive à sécher sur le fil, il a plu toute la journée et je dois tout mettre dans ma valise demain matin. Je rentre un maximum de linge dans ma chambre et allume le ventilo. J’espère que cela fonctionnera.

Mardi 8 octobre

Voilà, je me suis levé, ai profité des rayons de soleil pour étendre le linge et petit déjeuner, réunion Skype avec Geraldinho, le manager de Carlos et petite discussion avec Eric. Ma valise est plein à craquer, j’espère qu’elle va supporter le voyage. J’avais oublié un élément encombrant et inutile…mon gros blouson d’hiver de Bretagne.Je pars en taxi jusqu’à la gare routière, regarde une dernière fois le paysage urbain de Rio, mélange de vieilles bâtisses, de bâtiments modernes et des favelas que l’on voit en permanence. Ils font vraiment partie du tissus urbain. Il y a des bus toutes les heures, je prends mon ticket et me voilà parti. Dès que la campagne commence, sa radicalité s’impose, au loin des montagnes immenses, le paysage défile, végétation permanent, cours d’eau…tout est immense, encore et encore.

Je suis bien dans le petit pays du Trégor du petit pays breton. ça reste très humain, Ici, tu te demandes comment tu peux trouver ta place dans ce gigantesque ensemble.  Le paysage défile, les bords de route commencent à ressembler au Niger en terme d’habitat. Petits villages de bris et de brac sur des routes argileuses.

Parfois le bus fait un arrêt sur l’autoroute, il s’arrête sur le bord parfois sur la voie de gauche pour faire descendre un passager. Il y a toujours les chocs de conduite, j’essaie de faire des photos et des vidéos mais ce n’est pas simple. Je me refais un peu le film, me rappelle la flanerie dans les rues de Rio avec Carlos qui soudain voit une enseigne KFC, ces fast-food cancérigènes que l’on trouve à profusion ici et il me dit “Tu vois Jean-Luc, KFC,….Kolesterol Football Club!!!!” Voilà quand même 2 belles semaines d’écoulées.
J’arrive à Resende, Guga est là, il m’attend. Nous allons nous poser rapidement chez lui et commençons une, ballade dans la ville. Changement de décor, Resende est une ville de 200000 habitants mais cela ressemble à Guingamp.

Une rue commerciale, quelques vieux quartiers, un énorme fleuve qui coupe la ville e n deux. Le Rio Guga m’explique plein de choses, la ville a vécu sur les plantations de café, maintenant c’est l’automobile qui fait tourner la cité, il y a des usines de fabrication Renault, Peugeot, Range Rover. Guga démarre un projet d’école de musique, il comptait sur 20 élèves cette année, il en a 21, il y a également des cours de batterie et d’éveil musical.

Le projet se monte peu à peu. Le centre-ville a un super potentiel non exploité, un kiosque en plein centre, juste à côté un vieux cinéma (style Logellou), bref Guga est super enthousiaste, il lui faudra de la patience, ici les gens ne sortent pas, pas de bar sympa, pas de lieu de concert, par contre des églises!!!! nous continuons la ballade, buvons un petit verre. Guga ensuite va à son école de musique, c’est ans une grande maison appartenant à son frère qui a un hôtel à Maua, pas bien loin, en plein dans la montagne. L’idée est de monter parallèlement une école gastronomique et une école de musique. En chemin, nous voyons des animaux sauvages dans la ville, ils sont de la famille du cheval et il est courant de les voir sur les bords de la rivière en train de brouter. Je rentre à la maison à pied et découvre tranquillement le quartier. Que des petites maison mais là aussi, on met des grilles partout, stress lié à l’insécurité encore et encore… Il y a des petites boutiques, des garages automobiles bien suinteux, mais c’est vraiment une petite ville bien tranquille.
Ce soir repas avec le petit Luis, Patricia et Roseanna la mère de Guga. Elle est écrivain et a une grande popularité ici, elle écrit depuis pas mal d’années des nouvelles pour les enfants qui marchent bien. Depuis quelques années elle publie des poêmes, donne pas mal de lectures avec Guga qui l’accompagne à la guitare.Patricia vient de publier des poêmes et elle prépare tranquillement 2 autres recueils. Mon ami a l’air très heureux de cette nouvelle vie ici. L’Andalousie est bien loin et les difficultés qu’il a connu en Europe lui ont donné une force pour se battre sur son projet ici. Il me fait remarquer qu’il y a des offres d’emplois affichés sur les façades des commerces, il me dit, c’est impensable en Europe ça!

Mercredi 9 octobre

Petit déjeuner en famille et nous allons envoyer Patricia au travail, elle encadre des ateliers théâtre dans un collège. Nous irons ensuite flâner un peu et déjeuner avec Luis, les petits n’ont pas école le matin, seulement l’après-midi.

Retour à la maison, petite ballade en ville et nous allons à l’école de musique de Guga jouer un peu. Nous n’avons pas joué ensemble depuis longtemps et les vieux morceaux ont du mal à revenir. Nous allons donc improviser sur une nouvelle composition de Guga. C’est simple, beau, ça sonne, quel sens de la composition il a, ce bougre de guitariste.
Je rentre chez eux car Guga a des cours, je travaille un peu. Il rentre vers 21h00 et il me cuisine du filet de boeuf, woaw, incroyable, simple et efficace. Il me dit qu’ici les prix de ce genre de choses sont incomparables avec l’Europe où le kilo coûte les yeux de la tête.Nous allons discuter tranquillement sur la vie, son école de musique, son cheminement. Une partie de sa famille est d’origine juive et il me dit que s’il a une chose à retenir de cette partie de son éducation, c’est cette citation:
« protège bien ta pensée, c’est l’unique chose que l’on ne peut te prendre. »
Puis, il me parle de son travail, il a 22 élèves maintenant, pour une première année, c’est super. Sa méthode de travail à lui mais aussi celle qu’il impose aux autres professeurs qu’il emploie repose sur 4 séquences dans les cours de musique:

  • Technique
  • Culture de l’instrument
  • improvisation
  • Apprentissage d’un morceau

Soirée très sympa!

Pura Loca Total: vachement déglingué!!
François Muleka

La guitare populaire du Brésil!!!

Jeudi 10 octobre

Bonne nuit, je prépare mes affaires, Guga est très occupé par son travail, je prends le bus tout à l’heure direction São Paulo.
Discussion avec Guga sur la musique puis je prends le bus climatisé pour 4h de voyage. Nous sommes sur l’autoroute, nous croisons et dépassons  camions en flux ininterrompu, les marchandises circulent, le pétrole a de l’avenir, l’opulence est bien réelle, comme la misère. Là aussi j’en prends plein la vue: les montagnes incroyables, les paysages superbes se succèdent.

Au loin, les condominios (résidences sécurisées) succèdent aux favelas, imaginez le Vieux Marché coupé en deux, d’un côté les pauvres, d’un autre côté les riches et entre les deux des murs très hauts et des barbelés.
Arrivée à Sampa comme on dit ici, je prends le métro change à Luz et arrive à Butanta, j’attrape un  taxi pour aller chez Vitor et Camila, le GPS du taxi ne connaît pas l’adresse de Vitor, coup de chance, je me rappelle de la route et je le guide avec mon portugais hésitant. J’arrive chez les amis, Vitor n’est pas là car il a un concert ce soir, je vais retrouver Camila, Flora et  Madhu qui me fait une super fête, il est super content de me voir. Je vais prendre le dîner avec FloFlo et Camila et Vitor arrive ensuite. Nous allons parler longuement et Vitor m’annonce tout content qu’il a composé un morceau intitulé Kerlavéo. Je défais mon sac et me rends compte que j’ai oublié l’alimentation du mac chez Guga. Je serai donc sans ordinateur jusqu’à samedi soir.

Vendredi 11 octobre

Réunion avec Camila et Patricia et Vitor. Patricia est associée de Camila dans son travail d’astrologue et samedi il y une sorte de stage où Vitor et moi allons jouer. J’écoute donc la présentation qu’elles me font. J’essaie de résumer.
Intuition
Sensation
Matérialisme
Émotions

Un écoute qualitative du cosmos, le temps quantitatif n’est pas le même que le temps qualitatif. Une grosse discussion sur l’influence, le libre arbitre, l’analyse et la connaissance de soi. Bien long à résumer, j’apprends beaucoup de choses.

Puis nous allons jouer avec Vitor, je revois mes anciens morceaux, Vitor me joue Kerlavéo, c’est une très belle mélodie sur laquelle il met de subtiles harmonies. Ensuite, nous filons à Jacarei car Chorando As Pitangas joue ce soir. Nous attrappons Gian le guitarsite sur la route et nous mettrons 2 heures à faire 😯 kms dans les embouteillages de São Paulo. J’observe les files de voitures occupées majoritairement par un chauffeur, pas beaucoup de co-voiturage ici, cela explique un peu l’enfer du trafic. Nous arrivons au Sesi Jacarei, le Sesi (Service Social de l’industrie ) est un centre ou l’on trouve salles de sports, salles de spectacles payées par une taxe sur les services (ISS) . je retrouve les collègues de Vitor. Balance et hop sur scène, la musique est délicate, raffinée, les voix se croisent dans un code que je ne comprends pas mais dont toute l’équipe est profondément imprégnée, c’est impressionnant de nuances et de virtuosité en même temps. Vitor m’invite sur 3 morceaux à la fin du concert, je suis encore présenté comme celui qui vient du pays d’Astérix, la prochaine fois, je prévois un menhir gonflable dans ma valise.

Nous irons dîner ensuite à Jacarei avec un cousin de Vitor qui ne va pas très bien et que Vitor écoute, conseille et stimule. Puis retour à la maison vers 1h00 du matin.

Samedi 12 octobre

Petite nuit, je me lève, petit déjeuner et un taxi m’envoie à Vila Madalena où je vais retrouver Camila et Patricia. Le stage/séminaire démarre, il y une dizaine de personnes. Cela commence par la projection d’un film sur le rythme

Superbe polyrythmies d’Afrique de lOuest.
suivi d’une présentation de ce qu’est l’astrologie, je termine en faisant chanter un bourdon à l’assistance et je joue des airs du pays vannetais sur la flûte non tempérée. Puis déjeuner et Vitor arrive. Nous allons jouer un peu, les gens vont discuter astrologie, éléments, tempéraments, intuitions, sensations, réflections, émotions, j’essaie de comprendre mais je rame encore. Puis, nous allons faire chanter et participer les gens et retour à la maison. Je vais passer la soirée avec Sergio, Julianna et Guga. Sergio est le compositeur du groupe ArMazem qui était venu en 2006 à Lannion, Julianna sa compagne est une super flûtiste. Sergio avait organisé un stage et un concert en 2009 à la fac de Santa Marcelina. Il travaille sur la musique électro acoustique contemporaine et c’est toujours une belle rencontre, il travaille très dur et va très loin dans les expérimentations musicales.

Dimanche 13 octobre

Petit tour au marché ce matin pour acheter des fruits. Nous sommes dimanche, il y a un match de foot amateur dans le quartier avec un public bien dense. Le marché est super sympa,  il y a des fruits partout, on fabrique le jus de canne de sucre sur place, tu peux boire un verre, flâner,..

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Il fait chaud, il n’y a pas trop de monde et c’est très sympa.
Puis nous retrouvons Guga, Patricia et Luis chez Vitor, nous allons jouer un peu ensemble, super! Improvisation et vieux morceaux revisités.

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Puis déjeuner près de chez Vitor dans un restaurant au jardin extraordinaire, des oiseaux (sabia) , des palmiers, bananiers, des petits singes (Micos).

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Après midi dominicale tranquille, retour à Butanta et pause avec les amis. je cuisine ce soir et prépare un petit curry de poulet au riz complet et brocolis. Vale, la copine de Camilla nous rejoint et nous passons une soirée bien sympa ce soir.

Lundi 14 octobre

Ce matin, réunion, nous prenons des rendez-vous pour la semaine, Vitor m’a enregistré sa composition “Kerlavéo”, superbe, il doit encore m’enregistrer un choro. Cela va être journée “Preguiça” (paresse) aujourd’hui. Je n’ai pas arrêté depuis quelques jours et j’ai besoin de ranger un peu les photos, l’ordinateur et digérer un peu ces derniers jours. donc, quelques courses dans le quartier avec Vitor, un échange de fichiers, et j’essaie de me cultiver un peu, je regarde quelques vidéos  sur un très beau projet d’échanges entre enfants du Brésil, les responsables sont de bons amis de Camilla et Vitor, c’est très fort , les vidéos sont prises un peu partout au Brésil
www.territoriodobrincar.com.br
Et me cultive un peu sur les Orishas, divinités africaines pratiquées au Brésil via le Candomblé.
Le soir, nous parlerons astrologie avec Camila, nous sommes bien loin de l’horoscope niais des magazines. Là, nous parlons, psychologie, perception,…le travail de Camila est très subtil et très fin, j’apprends beaucoup ce soir.

Mardi 15 octobre

Ce matin, au travail, Vitor va dans un coin travailler l’harmonica, je vais de mon côté retravailler un peu la flûte. Puis nous nous retrouvons et échangeons un peu de répertoire.
Je trouve un beau livre édité par Renata Meirelles, elle et son mari sont des amis de Vitor et Camila, ils ont traversé tout le Brésil (je n’arrive même pas à imaginer) pour réaliser des collectes sur les jeux des enfants, ce sont eux dont on voit le travail ici
www.territoriodobrincar.com.br

C’est très beau, la variété des jeux des enfants, faits à base de végétal, de pierres et surtout d’imagination est incroyable. Bien loin des objets manufacturés que l’on trouve dans nos sociétés “modernes”. C’est très simple et très beau.
J’approfondis ma réflexion sur une idée que m’a glissé Gaby il y a quelques mois de la pollinisation de la culture. Dans un monde où nos musiques (et tant d’autres choses) ne sont pas diffusées par radios, télés, médias, Facebook et autres sont quand même bien limités. J’aime bien l’idée de la pollinisation, chaque individu qui voyage amène avec lui sa musique, son accent, sa gastronomie, sa vision du monde, …échange avec les autres, laisse des traces invisibles derrière lui et revient sur son territoire chargé également de cette énergie invisible qu’il diffuse autour de lui et les musique, notamment, circulent, se diffusent tranquillement, naturellement. Cela n’empêche pas la destruction de nombres incalculables de cultures chaque jour dans ce gigantesque entonnoir qui englobe un grand tout anonyme, sans odeur, sans saveur, sans accents, mais l’humanité continue d’avoir envie de se nourrir de l’autre, concrètement, de choses simples et subtiles, riches et abordables à qui veut s’en saisir. C’est si beau et nécessaire.
Ce soir, Vitor donne un concert “privé” avec Chorando As Pitangas, c’est un concert pour une entreprise. Je ne peux pas venir. Je vais rester tranquille ici. Julio Cesar Barro arrive chez Vitor, je l’ai rencontré l’an dernier. Il est super fort. Impliqué depuis son enfance dans l’école de Samba Vai Vai, école très populaire qui continue à former des jeunes des quartiers aux percussions et à la samba. Il est super doux et gentil, très belle personne. Et quand il joue…woaw!!!!

et

ça a l’air simple mais c’est tout bonnement époustouflant. Quel duo!!
Lors de l’enregistrement de Mamar Kassey à Niamey en février dernier, j’avais proposé à Abdelkarim, le bassiste d’essayer de jouer quelque chose pour le disque. C’est l’entrée de la basse sur le morceau Bowdi pour ceux qui l’ont. Et cette idée est un souvenir d’une fejoada que j’étais allé manger avec Vitor à Vai Vai, ce jour là j’ai rencontré Julio et il a joué un peu à la fin de l’après-midi, mon idée avec Mamar Kassey consistait en un plan standard de samba qui fonctionne très bien sur ce morceau. j’en parle avec Julio et Vitor, ils sont super contents de la circulation de ce genre de choses (pollinisation?).
Vitor avait eu une calebasse en cadeau avec Barry l’an dernier, il la montre à Julio qui tout de suite joue dessus des phrasés de samba incroyables que je vais filmer pour montrer à Barry quand nous nous verrons en Novembre (Pollinisation?).

Je vais passer une partie de l’après-midi à travailler ma flûte,vers 17h00, Camila me propose de réaliser des pão de keijo (pains au fromage avec de la farine de manioc), je lui file un coup de main et nous préparons le goûter quand arrivent Toninho Carrasqueira, Marcia sa femme et leur fille. Toninho est un des plus grands flûtistes du Brésil, il travaille sur la musique classique, contemporaine et le choro. Il a étudié la flûte avec des grands maîtres en France dans les années 70 et est une référence nationale ici. Il est d’une gentillesse incroyable, toujours positif, toujours émerveillé. C’est une très très belle personne. Sa fille profite du piano pour jouer un morceau, elle est très jeune et joue déjà très bien. Petit moment de poésie. Puis, Vitor rentre de son concert et nous repartons dès son arrivée à la Casa de Nucléo, il lieu très simple et très raffiné appartenant à un pianiste/producteur. Ce soir jouent là Teco Cardoso (sax, flûtes) et Lea Freire (flûtes). ce sont deux musiciens très forts dont j’ai découvert le travail il y a 10 ans, entre jazz et musique brésilienne. Nous faisons route avec Toninho qui a décidé de venir avec nous. En voiture, nous discutons sur Pixinguinha, Toninho vient de faire un cycle de conférence sur ce musicien-compositeur décédé en 73. C’est une légende au Brésil, saxophoniste noir, il a composé quelques uns des plus beaux choros du Brésil. Il a eu une vie extraordinaire en tant que musicien noir de surcroit dans un pays qui était encore marqué par l’hégémonie des blancs colonisateurs, j’apprends plein de choses.

Nous arrivons au concert et ce sera magique, les 2 solistes ont une complicité incroyable, les timbres des flûtes se lient et se mélangent telles de subtiles et complexes tresses.

L’écriture est très belle et la façon d’envoyer la musique poétique et sans concessions. Les autres musiciens du quintet ne sont pas en reste, piano, batterie, contrebasse. Des musiciens vraiment forts, nous sommes bien tous d’accord en rentrant à la maison, nous avons un peu grandi ce soir. En rentrant, Vitor me dit qu’il y avait des grosses manifestations dans le quartier et ça a chauffé une fois de plus. Tensions, encore et encore…

Mercredi 17 octobre

Début de journée poétique, Vitor répète avec Emilianno Bava. Emiliano est un super guitariste, je l’ai rencontré et joué avec lui en 2009, très impressionnant! Et en plus, il est super gentil et partageur.

Ils travaillent depuis quelques temps sur un duo autour de compositions et de morceau de Piazzola. C’est très très beau, doux, subtil, raffiné, poétique, l’écoute entre eux est très belle. Je me pose sur l’escalier un peu au dessus d’eux et le temps va s’arrêter pendant quelque temps.
Puis je me pose avec Guga, le petit ami de Floflo, en fait il s’appelle Gustavo Raulino et, tout en étant très jeune, c’est déjà un réalisateur de cinéma accompli. Il me montre son travail et c’est la grosse classe.
movafilmes.com.br
Il travaille sur des courts métrages, des longs métrages, des documentaires et des teasers promotionnels, La qualité de la photo est impressionnante. Il m’explique son parcours, son actualité, il est réalisateur-producteur- scénariste et enseigne là dessus dans les quartiers populaires ici.
Il est en questionnement sur la mise en cohérence entre son travail et ses valeurs.
Ce petit teaser est très beau

Mova Filmes & HOLI – Teaser Oficial from MOVA FILMES on Vimeo.

Soirée tranquille, Vitor donne 2 cours et pendant ce temps là, je vais regarder “L’Age de Glace” en portugais avec Camila et Madhu.
Puis, ce soir nous filons à “O Do Borogodo” lieu musical mythique de São Paulo où joue Gian Correa le guitariste du groupe de Vitor.
Nous arrivons dans ce petit lieu et tombons tout de suite sur Dona Inah, une vieille chanteuse de choro de São Paulo, c’est une sorte de Césaria Evora du choro, je l’ai rencontré grâce et avec Vitor en 2009 et c’est un personnage incroyable. Elle vit, incarne, irradie, le choro (choro signifie pleurer en portugais). c’est une vieille femme au charme incroyable, sorte d’encyclopédie vivante et incarnée de la culture populaire urbaine. Son mari souhaite absolument me présenter une femme brésilienne qui travaille en France. Ok, la femme, beauté métisse du Nordeste qui travaille pour des entreprises de luxe est là pour rencontrer des architectes, nous discutons un peu, elle est très sympa et est venue ici pour danser. Je pourrai assister à sa samba plus tard, la classe!!
Je reprends mes esprits pour tenter de décrire le lieu, c’est un bar ou les musiciens jouent dans des conditions d’écoute difficiles mais l’énergie populaire indescriptible est là! Point!
L’orchestre se compose de Gian à la guitare 7 cordes, d’un joueur de cavaquinho, un flûtiste, un joueur de congas/pandeiro, un batteur et un joueur de sourdeau. Super belle musique, comme à chaque fois, simple et complexe. Les musiciens sont remarquables, parfaits techniciens l’ensemble dégage une énergie merveilleuse et ça joue terrip’!
Je vais jouer 2 morceaux avec Vitor et Dona Inah prendra le relais dans une salle qui danse avec un swing simple mais bouleversant!

La danse,  ici, est tout simplement époustouflante pour le petit breton que je suis. Les corps ondulent, la pulsation est accompagnée par le mouvement, cela semble simple mais est tellement loin de nos gavottes et plinns inhibées par des siècles d’inhibitions d’européens du Nord entretenues par une religion sanctionnant une simple envie de bouger. Je prends ma leçon et observe. C’est simple, généreux, expansif, désinhibé. et le spectateur que je suis se prend à se déhancher avec plaisir dans ce groove collectif et social. bref, encore une belle soirée et j’en remercie chaleureusement mon ami Vitor.

Jeudi 18 octobre

L’origine du nom favela comme lieu d’habitation populaire est apparu après la Guerre de Canudos au Brésil, quand les soldats, installés sur un morro (colline) de cette région, le Morro da Favela appelé ainsi à cause de la grande quantité de la plante Favela (Jatropha Phyllacanta) en retournant à Rio de Janeiro, s’installèrent avec leurs familles sur le Morro da Providência. En souvenir des événements marquants qu’ils venaient de vivre, ils le nommèrent du nom de leur ancien lieu de séjour guerrier de l’État de Bahia. Le nom devint un courant synonyme de quartiers pauvres à partir de 1909.

Discussion sur Pixinguinha, j’apprends encore et encore puis nous allons à l’école de Madhu, le lieu est très beau, Vitor m’explique qu’il est obligé de passer par une école privée car l’enseignement public, dédaigné par les institutions est chaotique et il souhaite donner des chances d’éveil à Madhu.

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L’école est pensée sur le modèle de Françoise Dolto, il y a des réalisations des enfants partout.

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J’arrive au moment où ils cassent la croûte, je vais tranquillement sortir la flûte, jouer quelques airs puis Vitor me présente aux enfants, je leur demande de fermer les yeux et improvise sur de la matière. Les commentaires ensuite seront assez formidables. Puis, je joue une gwerz et quelques danses et ils vont faire une farandole et danser, je profite pour convier Vitor à me rejoindre avec son harmonica et nous terminons sur Uma 0 un standard du choro de Pixinguinha. Les enfants sont très contents, nous discutons un peu, je discute avec la fondatrice de l’école qui est toujours là, avec sa sagesse et ses 82 ans. Impressionnante femme qui a passé sa vie à vivre en permanence pour l’éveil, le développement, l’imagination des petits. L’objectif est la liberté pour ces petits. Teresina m’explique rapidement sa vision des choses. Pour elle la période de 0 à 7 ans est déterminante, capitale, dans la construction de l’enfant, c’est à ce moment que se fabrique la base de sa personnalité et sa capacité à entendre le monde. Très très belle personne. Je fais le tour de l’école, il y a plein de petits coins pour les petits, il y a là un potager, des bananiers, les enfants sont en charge de l’entretien, des plantations et des récoltes. Un poulailler où pintades et poules cohabitent avec les lapins. L’éveil, l’éveil.


Nous rentrons à la maison, regardons les vidéos de Gustavo, il a un super beau regard, sa captation d’hier soir et de ce matin est très belle, j’ai de belles vidéos avec moi, il va essayer de faire un montage de cette matinée. Il me tarde de voir son travail. Il m’a préparé un dossier avec des films brésiliens, histoire de parfaire un peu ma culture sur le cinéma de ce pays, des films contemporains mais également des films des années 30 et 50, j’aurai de quoi m’occuper cet hiver.
Nous cassons une petite croûte et filons chez Carlinhos Antunes, c’est un musicien reconnu ici pour son travail sur les musiques du monde, Carlos Malta lui a écrit en lui disant qu’il devait me rencontrer et voilà, je suis chez lui. Une belle maison, un petit jardin avec quelques arbres fruitiers dont un Jabuticaba qui va bientôt donner des fruits (c’est le printemps ici).

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Il parle français, ouf, nous avons pas mal de choses à échanger, il est très très sympa, a travaillé beaucoup avec la Guinée et le Burkina et semble très intéressé par mon histoire Nigéro-Malienne. Les 2 heures que nous passons ensemble passent très vite mais nous sommes d’accord sur le fait que nous allons nous revoir bientôt, je repars de chez lui les bras chargés de disques et de dvd. L’hiver va passer vite!! C’est vraiment un personnage attachant, je suis rentré dans sa maison et j’ai tout de suite vu Le Monde Diplomatique, nous voilà sur un terrain propice à l’échange, la suite n’aura fait que confirmer cette impression. Le personnage est très poétique, impliqué sur des projets sociaux en périphérie de São Paulo, il me raconte qu’il lui est arrivé de rater un avion car il jouait avec des musiciens camerounais rencontrés à l’aéroport!! Bref, tendre et doux comme dirait Pierre. Nous passons chercher Camila au travail et nous arrêtons pour diner bio très délicat. Retour à la maison, nous sommes épuisés, Toninho Carrasqueira arrive nous rendre visite, il souhaitait me saluer avant mon départ. Comme à chaque fois, je déguste l’instant avec délectation. Nous parlons tranquillement, il me fait part très simplement que je suis à la fin d’un cycle, comme nous en avons tous dans nos vies et qu’un nouveau cycle démarre maintenant. Simple, évident, nécessaire,….juste. Merci l’ami.
Je prends quelques notes dans mon journal pendant que Vitor prépare quelques disques qu’il souhaite me voir amener avec moi en Bretagne.

Vendredi 19 octobre

Voilà, cela fait un mois que je suis arrivé et le départ est proche, une dernière lessive, quelques courses dans l’épicerie du coin et je vais commencer à préparer ma valise, ressortir les grosses chaussettes, le blouson qui a pris la poussière. Je fais une petite marche dans le quartier et me prends un dernier bain de soleil, il fait beau aujourd’hui. Chaud aussi. Vitor travaille l’harmonica, je vais le laisser tranquille.
Midi arrive promptement et Danillo, le frère de Vitor arrive, nous allons déjeuner ensemble. Danillo est plus jeune que Vitor, il va se marier le 9 novembre et il est très excité pour ça. Il termine un master d’histoire à l’Université et il est passionnant, nous aurons une discussion sur l’éducation, les manuels scolaires qui évoluent en fonction de l’évolution de l’idéologie dominante, la contradiction télévision/histoire, les médias, propriétés des grands groupes industriels, nouveaux chiens de garde de la pensée des puissants, ici ou en France,…Je pense que nous allons nous revoir.
Puis arrive Patricia, la collègue de Camile, elle a rendez-vous avec Camila mais celle-ci n’est pas encore rentrée du travail, nous allons nous retrouver autour de Madhu et faire des jeux pour les enfants avec Patricia et Vitor, Puis nous partons avec Vitor car ce soir, le concert de Chorando as Pitangas se passe dans l’ancien collège de Vitor. Il a été élève là de 9 à 14 ans et ce soir la fête des 50 ans de l’école est tombée sur Vitor. Nous attrapons Ildo sur la route et arrivons sur place. Je pensais “fête de l’école” à la bretonne mais là, il s’agit d’un cocktail dans un lieu très beau, géré par une boîte de production avec une entreprise pour les repas (cuisine, service,..).

Je vais parler longuement avec Vitor de l’enseignement au Brésil et des soucis public/privé. Vitor mettra Madhu dans une école privée car il ne veut pas que son enfant croise des jeune de 11 ans avec clopes, pétards, crack et autres… C’est la règle dans le public des grandes mégapoles. Il me donne quelques éclairages et je me dis que c’est vraiment la jungle ici, si tu es riche, tu as tout, si es pauvre, cela va être très très dur!! !!
Chorando as Pitangas démarre le concert, toujours merveilleux, comme d’habitude.

C’est vraiment un très beau quintet très poétique. je vais jouer 2 morceaux avec eux et ensuite, je saute dans un taxi, direction JazzB un club de Jazz où joue  Carlos Malta ce soir. J’arrive pour la fin du premier set,

Carlos est très content de me voir, il va m’inviter très vite à jouer avec son groupe, des musiciens que je ne connais pas, piano (superbe), Batterie (très fort), contrebasse (parfait, je l’avais rencontré à Rio il y a 15 jours). Il faut jouer, c’est mon dernier soir à au Brésil, je me lâche, Carlos est mort de rire. Nous allons avoir bien du plaisir, Carlos invitera Vitor à jouer avec nous. On s’écoute, on joue, c’est simple quand même la musique!!!
Et en plus, à la fin, tout le monde est content, musiciens, public, organisateurs,.. des fois, la vie c’est simple.

Samedi 20 octobre

Petite nuit mais bon, j’aurai le temps de dormir dans l’avion. Ce matin Vitor me fait découvrir une chanteuse chilienne, Violetta Parra, belle rencontre, une femme très engagée à la vie incroyable, un film vient de sortir sur elle, j’espère qu’il passera par chez nous.

Nous allons ensuite aller voir l’expo photo de Inae Coutinho, beau travail de lumière sur des intérieurs ruraux dans la périphérie de São Paulo, Inae a failli venir en Bretagne il y a quelques années suite à un prix qu’elle avait reçu et qui lui avait permis de venir à Paris, ce sera pour bientôt, je pense. Je vais ensuite aller faire quelques courses au Marché Benedito Calixto, pélerinage obligatoire pour moi maintenant. Puis, un petit resto japonais avec Gustavo et Floflo, un petit saut au magasin de disques spécialisé en musique brésilienne et retour à la maison. Je vais aller saluer Camilla au travail et ensuite prendre un bus à Congonhas qui m’amènera à l’aéroport de Campinas, pas tout près d’ici.


Voilà, fin du périple, tout a passé très vite, je reviens à la maison chargé d’une merveilleuse énergie que m’ont transmis tous les amis. J’espère revenir bientôt et bien préparer un retour vers ici pour continuer à approfondir ma connaissance de ce gigantesque pays.

Serendou à Olinda (Brésil)

Des souvenirs de 2012, merveilleux souvenirs!! Quelle belle tradition de flûtes par là bas!!!