Exilés- Clermont Ferrand avec l’Autre Parleur au Squat 5*****- Octobre 2021

Jeudi 28 octobre
Me voilà parti vers Clermont Ferrand pour une nouvelle expérience. Rencontrer des exilés et voir comment articuler de la musique, des chansons avec eux, main dans la main avec Clément Gibert (saxophone, clarinette basse), Nicolas Mayrand (L’Autre Parleur, L’Excentrale,..) et l’Université de Clermont Ferrand.

Fontaine
Je pars ce jeudi pour faire le trajet en 2 fois. je ferai une pause à Chênehutte chez Albane Gellé l’amie Poétesse et son mari Patrick, éditeur, libraire, planteur d’arbres.
Je passerai une belle soirée à parler de belles choses, de poésie, de fin de vie, d’arbres,…, une belle nuit et une belle matinée à découvrir les plantations de Patrick. C’est une idée splendide inspirée des principes de Miyawaki, c’est magnifique et inspirant. J’imagine très vite planter à Kerlaveo Cormier – arbre aux musiciens, Alisier, Aulne corse, Cognassier,Erables, Kakis,..Une bien belle idée que je vais suivre très vite

Enchantement

Vendredi 29 octobre
Encore de la route, du béton, des camions, des voitures, des aires d’autoroutes exaspérantes… finalement j’arrive chez Nicolas Mayrand à Chalonnat. Belle discussion puis nous partons  pour l’installation dans mon petit appartement à Clermont Ferrand et ensuite, en route vers Billon pour aller écouter le trio Louise qui travaille avec une illustratrice.

Salle

Je découvre une belle musique, de belles voix qui ont l’habitude de s’agencer ensemble autour du répertoire traditionnel de Centre France ou de compositions.
C’est une sortie de résidence, étape d’un premier travail où les 4 artistes sont parties de rien, cela promet de beaux moments. Chaque univers est très intègre, profond, riche… Puis, le petit pot, je découvre les gens, échange un peu avec Clément Gibert que je dois retrouver demain pour le premier atelier avec les exilés….

Samedi 30 octobre
Ce matin, j’ai un peu de travail sur l’ordinateur, des mails à répondre,.. je vais faire du bureau jusqu’à 12h30, heure à laquelle j’ai rendez-vous avec Clément au restaurant Syrien qui touche ma chambre. Nous commençons à faire connaissance, nous ne nous connaissons pas et allons travailler main dans la main durant 5 jours. Tout va bien, il semble que nous soyons connectés. Nous partons ensemble vers le Squat 5 Etoiles ou Squat 5*****. Ce lieu consiste en 2 maison au milieu d’une zone commerciale abominable qui résume bien notre monde. Des jeunes gens magnifiques qui cherchent un avenir meilleur et qui se retrouvent dans l’incarnation du progrès occidental. Des marques qui brillent mais qui ne proposent rien de qualitatif, des étrons du commerce mondial manufacturé et standardisé et nous au milieu de cela avec notre poésie, notre imaginaire, notre envie de rencontre et de partage, de l’humain et du terrien au milieu du toc et du fric…
Il y a beaucoup de monde, Nicolas est là qui nous attend, solide et tout en discrétion. Arriveront très vite une délégation d’étudiantes et de profs de l’Université de Clermont. hier soir, il y avait un concert de Sinsemilia et Mike l’un des membres vient rendre visite aux résidents dont certains étaient au concert hier soir. Je vais vivre un moment curieux dans ce lieu étonnant. Arrivant de Calais et Lille, je trouve que le squat 5***** est vraiment accueillant. Les exilés de Calais sont sous les ponts ou dehors, souvent sans tente et ici, nous sommes dans une maison en dur… ce qui n’enlève en rien au combat et au parcours de ces jeunes Ivoiriens, Maliens, Guinéens, Bengladais,… Et nous voyons Mike arriver un peu star malgré lui, il a les codes du pop system et en joue tout en restant humble et disponible. C’est assez cocasse dans ce contexte.
L’atelier démarre rapidement ensuite et nous allons beaucoup nous amuser avec Clément, chacun propose des jeux et des mélodies et au bout d’un moment, nous demandons aux participants de proposer des chansons,..cela ne tardera pas…  Nous allons enchainer des thèmes maliens, des rumbas congolaises, des chants religieux,.. tout le monde tape dans les mains et les sourires s’ouvrent au fur et à mesure. L’après midi passera très vite, les exilés dansent et sont magnifiques dans leur danse, dans leur groove, nous avons tant à apprendre à retrouver avec eux,… Cette connexion fondamentale avec la terre, la danse, le rythme… Viva!

Atelier2
L’énergie de la pièce où nous donnons l’atelier est métamorphosée…. Nous avons crée un dance floor plein de sourires et nous n’en sommes qu’à la première rencontre.
Je fais un petit concert avec Clément pour clore l’après-midi et nous enchaînons par un dîner préparé par nos hôtes. Une préparation de poulet avec une sauce aux épinards et du riz. succulent. Quelques beaux échanges avant de se séparer. Ne nous couchons pas trop tard, demain  il y a de nouveau atelier.

Dimanche 31 octobre
Matinée tourisme flanâge, marché au puces places des Salins déambulation dans les rues de Clermont Ferrand un dimanche, Cathédrale, vieux quartiers,

VercingetorixCathédrale
Après-midi retour à l’atelier, nous avons moins de participants aujourd’hui mais il y a Alpha et sa guitare. Nous allons travailler avec lui sur sa chanson « Dignité ». Quand il part, nous avons un temps un peu calme et on se demande même si ça vaut le coup de continuer, aucune nouvelle de l’université et des étudiants,…. Nous improvisons des choses, j’ai avec moi mon magnétophne et je réussis à faire quelques prises de sons, notamment d’un jeune ivoirien qui me chante une chanson sur Houphouët-Boigny et un poéme bouleversant.
Puis, peu à peu les amis vont revenir, jusqu’au moment où je comprends qu’il y en a un qui improvise ses paroles. Je le sollicite davantage et on va vraiment improviser, l’énergie revient, monte, monte, un nouveau chanteur arrive et nous propose du Alpha Blondy, là tout le monde chante très très fort, on commence à tenir quelque chose. La fin d’atelier est magnifique de sourires et d’énergie. Là où je sentais le petites distances (tout à fait normal) entre Guinéens, Maliens, Ivoiriens,… il semble qu’Alpha Blondy transcende tout!!Les amis veulent nous garder à dîner mais ce ne sera pas possible ce soir.

Atelier1
Nous avons rendez-vous à la Kave de la Damocha pour écouter le trio Dordogne (Banjo, banjo, violoncelle). Le lieu est une cave très belle où devaient être conservées jadis moult Saint Nectaires. On devine le lieu d’initié, le projet associatif, les amis,.. je m’y sens bien très vite.

Club-Clermont

Le trio joue assez fort car chaque instrument a un impressionnant dispositif de pédales d’effets (overdrive, octaver, delay,…) du coup, nous sommes plongé dans une sorte de techno electro-acoustique qui fonctionne plutôt bien. Je suis impressionné par les lignes du violoncelle qui met énormément de relief dans l’ensemble. Une belle soirée.

Lundi 1 Novembre
Ce matin, je travaille dans ma chambre, beaucoup de choses à faire avancer. Je retrouve Clément à 13h30 et nous partons vers le Squat 5*****. Nous retrouvons les amis, il y a un jeune homme qui s’est blessé au genou en jouant au foot dans son école. Nous irons jouer dans sa chambre en fin de session.
Nous reprenons nos recherches de répertoire. Hamidou nous rejoint, il sera précieux tout au long de la journée tout comme hier d’ailleurs. Nous déplorons l’absence d’étudiants, l’idée des ateliers était de faire du lien entre les jeunes exilés et les étudiants…. Je me retrouve là avec Clément,

Clement-JLdommage. D’autant que nous avons un bel échange avec Hamidou qui nous explique qu’il est en France depuis 2019, qu’il est en formation de carreleur, qu’il ne demande qu’à travailler mais il lui faut des papiers et il n’a que des récépissé. Toujours les mêmes histoires. Nous parlons du Mali. J’y suis allé en 2000 et à l’époque, on n’y trouvait que du coton. Depuis les choses ont changé, on y trouve de l’or, de l’uranium,… et voilà les djihadistes! Les coups d’Etat, la violence, la crise. Plus possible de rester au pays, tout est bouché….
A qui profite le crime? La France a de grands besoin d’uranium pour son dogme nucléaire et l’or a toujours attiré la convoitise des Etats. Quand nous dira t’on ce qui se passe vraiment au Mali, en Lybie, en Côte d’Ivoire, en RDC, au Niger, au Cameroun,… ?
Nicolas arrive avec des petits djembés qu’il a trouvé ce matin. Belle idée, les amis vont s’en saisir et ça va jouer très fort toute l’après-midi. Ces jeunes ne sont pas musiciens mais sont habités par la culture populaire, ils enchainent les chants, le rythme et le tempo qui sont des notions compliquées voire quasi abstraites chez des musiciens européens ne sont même pas des questions ici. ça groove magnifiquement. Les chansons s’enchaînent, je vais tenter de faire quelques enregistrements pour avoir quelques archives de ces moments très généreux. La glace est vraiment brisée à présent, les sourires fusent,
Nous verrons demain où nous pourrons aller.
Soirée tranquille avec Nicolas et son épouse. J’écoute de belles musiques avec de belles personnes.

Mardi 2 Novembre
Travail ce matin dans la chambre et retour au Squat5***** avec Clément. Nous arrivons et ça joue déjà… Superbe.
De nouveaux participants à l’atelier. Cette fois ce sont 3 ivoiriens et nous allons avoir la surprise de retrouver Louise l’étudiante venue avec 2 collègues étudiants.
Les percussions chauffent!! L’près-midi passera très vite avec ces 3 lascars qui ont du répertoire. Ce ne sont pas des résidents du squat, ils habitent dans d’autres quartiers de Clermont Ferrand. ça va jouer, chanter, danser toute l’après-midi, nous ne voyons pas les autres personnes ayant participé à l’atelier. J’espère qu’il n’y a pas de soucis diplomatique. J’enregistre pas mal de morceaux mais je ne sais pas le résultat que je vais avoir car la pièce est très sonore et ça joue terriblement fort!! Je comprends peu à peu où je suis. Ce lieu accueille des mineurs qui sont en étude (maçonnerie, charpente, couture,…) ils espèrent obtenir diplôme puis emploi et papiers bien sûr… pour tenter d’imaginer une vie meilleure. L’administration fait tout pour compliquer les choses et récépissé après récépissé tente de les dégouter de la France et du rêve qu’ils tentent d’y construire. Tant qu’ils sont mineurs, ils sont un peu protégés. Les 2 maisons où ils vivent sont bien entretenues malgré la présence de nombreux rats sur la zone, le sous-sol est un énorme labyrinthe de galeries bétonnées par la zone commerciale, dès qu’il y a un peu de sol meuble, en l’occurence ici, les rats peuvent sortir. Les bénévoles qui aident les exilés les ont formé à une grande rigueur de rangement des lieux, de tri des déchets et le site est très propre. Il y a un des résident au a été amené ici après qu’il ait été trouvé à dormir entre 2 voitures sur un parking…. il aura au moins un lit.

Clement
Retour à la maison, soirée calme ce soir avant la dernière journée demain.

Mercredi 3 Novembre
Courses ce matin en local, j’ai envie de rapporter quelques spécialités et les amis ici m’ont un peu conseillé.
Dernier atelier cet après-midi, les participants mettront du temps à arriver. Nous apprendrons que le mercredi est souvent dédié à des visites à la Ligue des Droits de L’Homme. Cette structure est animée par des retraités qui aident les exilés dans les démarches très complexes que leur demandent les services administratifs français.
Ils y vont quasiment chaque mercredi car il y a tant et tant de noeuds à dénouer.
Finalement, il vont arriver, les tambours vont progressivement se réveiller, les chants également. Nicolas a apporté trompettes, elles vont passer de mains en mains et jouer fort, très fort…. je devrai quitter la pièce tellement c’est fort, mais c’est bien drôle.

Danseur
Nous retrouvons Hamidou, Harouna, Mohammed, Issa…. le reggae revient en force. C’est le dernier jour, des discussions démarrent avec Martine et Nadine qui sont d’une implication bénévole impressionnante. Tout ce que je vois autour de moi est rendu possible grâce à ce réseau de bénévoles admirable.
Finalement, nous aurons peu vu l’Université, ses profs et ses étudiants,… c’est dommage, très dommage, il y avait tant à apprendre, tant de liens à faire…
Clement abime une clé de sa clarinette, il repart chez lui bricoler une réparation car il en a besoin demain. Au même moment arrive Abou, couturier d’origine Ivoirienne que nous avons rencontré hier. Je lui parle d’Alfadi le grand couturier nigérien et du FiMA (festival International de la mode africaine), je vois ses yeux s’illuminer. Il me montre des travaux qu’il a réalisé, notamment des kilts, il a des idées et travaille bien, j’espère qu’il réalisera ses rêves. Arrive l’épouse de Nicolas et nous allons dîner avec les amis d’un mafé préparé par les amis.

DinerJeudi 4 Novembre
Parti tôt ce matin pour retrouver Denis Pean et déjeuner avec lui. En quittant sa maison, je m’aperçois que mon pneu est crevé. Je vais donc au garage qui me fait attendre 2 heures. Le temps qu’il faut pour terminer cet article. Je me retrouve dans ce garage, dans cette zone artisanale près dAngers et pense aux gens que je viens de quitter.
Quelle sera leur vie?…. comment vont ils passer l’hiver? Il fait froid au Squat, ils sont déjà logés, ce qui n’est pas le cas des gens que j’ai vu à Calais qui sont pourchassés, harcelés en permanence par les autorités. Quel monde sommes nous en train de créer? La zone commerciale où est le Squat 5***** fourmille de voitures, de piétons, d’activité,.. les gens consomment, vivent dans leur confort, à côté de cela des gens cherchent à survivre dans un monde qui ne veut pas d’eux.
Quand est-ce que tout cela va cesser?