J’ai été invité il y a 2 ans maintenant à participer à l’album “Peseurt Mood” de Krenijenn. J’y avais fait une improvisation et joué un hanter dro; j’avais été séduit par la démarche de ce trio composé de Lina Bellard (Harpe), Erwan Burban (Trompette) et Vincent Raude (Machines). L’idée de rester dans le même mode sur une durée assez longue, de travailler sur un seul thème par danse, bref l’essentiel de la musique à danser de Bretagne ne pouvait que m’enchanter.  Là dessus travailler sur des rythmes électroniques m’intéresse au plus haut point.
Le disque est sorti cet hiver et ils ont eu la gentille idée de m’inviter aux 32ème Rencontres de Luthiers et Maîtres Sonneurs au Château d’Ars qui se déroulent ce week-end.
J’arrive donc à Rennes aujourd’hui, nous allons répéter pendant l’après-midi et faire le trajet vers l’Indre ce soir.
Tout va bien, j’apprécie beaucoup leur démarche qui repose sur un entendement modal très profond, l’idée est de dépouiller la danse d’arrangements superflus, un thème unique sur un bourdon et à nous de faire danser les gens avec ça. Les programmations électroniques sont très bien réalisées et les sons acoustiques ou électro-acoustiques très beaux. La flûte trouve une place très singulière dans le son, sorte de liant entre le timbre de la harpe et les harmoniques de la trompette, très intéressant.
Le trajet sera très long (5h), sous une pluie battante, nous arriverons à ‪Lourouer-Saint-Laurent‬ vers une heure du matin. A notre hôtel, nous rencontrons Normand Legault et Louis Simon Lemieux 2 artistes québécois du groupe “Le Tour de la Gaspésie”qui sirotent en devisant joyeusement un bon malt écossais. Ils nous inviteront et nous accepterons avec un plaisir non dissimulé ce bras tendu vers une arrivée conviviale augurant d’un bon séjour dans le festival.

Météo terrible ce matin 13 juillet, il pleut sans discontinuer !! Cela ne va pas être simple.

Je profite d’une accalmie pour faire le tour du lieu, il y a un grand parc où sont les exposants, je me promène, entends du très beau ney turc et je retrouve quelques facteurs de flûte et luthiers que je connaissais, petites discussions et essais d’instruments avant de continuer ma flânerie.

Un petit apéro sur le stand de la FAMFT avec l’équipe du “Ragondin Tourneur”, je revois pas mal de gens croisés ça et là ces dernières années dans toute la France, ces rencontres sont un carrefour hexagonal très fécond. Dans l’après-midi, la pluie se remet à tomber et j’essaie d’écouter quelques concerts sous le parapluie d’une amie mais ma veste en velours prend l’eau et cela devient difficile. Je m’approche de la scène pour la balance sous une pluie battante, attentions aux glissades. Je croise par moments des jeunes filles qui déambulent pieds nus dans la boue,….tout va bien.
Notre scène n’est pas trop haute de plafond et du coup, il n’y a pas trop d’eau sur le plateau, par contre le plancher prévu pour les danseurs est luisant, attention aux glissades, je me dis qu’il va être difficile de faire danser les gens ce soir.

La balance se passera bien, il me tarde de jouer même si j’ai un peu peur des conditions climatiques.
Je continue à me promener sur le site, sous les grandes tentes prévues pour la restauration il y a une trentaine de musiciens qui font la session autour du répertoire irlandais, un peu plus haut un petit groupe tape le boeuf sur le répertoire du Centre France.
Voilà, l’heure approche, nous allons monter sur scène, le public est un peu disparate. Nous démarrons et les danseurs arrivent, prennent possession du plancher et à la fin du morceau, l’espace est noir de monde.

Le set passera très vite, le public réagit bien, je vois au loin les danseurs qui sont avec nous, les premiers rangs face à la scène se remplissent de gens, séduits, curieux, interrogatifs,… par rapport à cette proposition inédite autour d’instruments acoustiques et électroniques.

Du coup, la réflexion continue autour du rapport de la musique à la danse, je me dis que la mélodie, telle qu’elle est pratiquée en Bretagne, porte vraiment la danse. La pulsation et les accents sont dans la mélodie, les choix de programmation de Krenijenn en tournant rythmiquement autour des accents sans les souligner évite d’alourdir l’affaire tout en laissant énormément de liberté sur le phrasé des thèmes. Très bien pensé tout ça. J’espère qu’il y en aura d’autres.